mercredi 26 janvier 2011

La conférence de Jacqueline Schaeffer à Saint-Anne (24/01/2011)

Mesdames et mesdames vous avez été nombreuses à exprimer votre immense frustration de ne pouvoir assister à l'ébaubissante conférence de Jacqueline Schaeffer. Or, j'ai eu, avec quelques unes de mes plus éminentes collègues, le plaisir et l'immense honneur d'y assister, et ma grande mansuétude m'incite à vous en faire un compte-rendu, afin que vous puissiez, vous aussi, partager la joie qui fut la nôtre.


Ayant été retardée d'une bonne demi-heure, j'ai d'abord été amenée à traverser Sainte-Anne. Seule. La nuit.
Saint-Anne, la nuit, c'est... une ambiance digne de Shutter Island. Avec ses bâtiments antiques plongés dans l'obscurité et ses quelques réverbères de 35 Watts disséminés tous les 150 mètres (pour créer une atmosphère intime probablement). Autant dire que je m'attendais à tout moment à être assaillie par un schizophrène en plein délire démonopathique armé d'une hache. Ce ne fut pas le cas.

J'arrivais donc à l'amphi indiqué avec cette fameuse demi-heure de retard qui m'épargna l'annonce du décès d'un des discutants prévus pour cette intervention (true story). Je trouvais devant la porte quelques auditeurs pas contents bien décidés à se casser sous prétexte qu'on n'entendait rien et que le niveau était digne d'un cours de première année. A ces mots, n'écoutant que mon courage, je propose à mes collègues dans la salle, d'un SMS rapidement exécuté, d'aller "picoler au bar du coin" à la place. Mais devant leur obstination affichée, je me résous enfin à pénétrer dans la salle.

Et là ! Non rien. On a écouté la conférence. C'était bien. Mais pas top. Madame Schaeffer synthétisait ses idées, simplifiant de beaucoup son propos. Ce qui ma foi m'aura au moins permis de refaire le point sur ce que j'avais pu comprendre de son bouquin (Le refus du féminin) qui m'avait donné bien du fil à retordre il y a quelques mois. Donc là, j'ai tout compris. Je me suis sentie intelligente. Au temps pour mon narcissisme.

Parlant de narcissisme justement... Elle exposait notamment comment celui-ci pouvait être violemment mis à mal chez les femmes après une rupture sentimentale, tant elles sont dépendantes du regard de l'autre. Et de placer une référence au stade du miroir dont je ne me souviens pas à quoi tient sa spécificité chez la fille (collègues, je fais appel à vous, éclaircissez-nous, lâchez vos comm. !!).

On parlait donc de dépression et de ses implications respectives chez l'homme et la femme. L'homme en serait protégé par le complexe de castration. La perte de l'objet, chez lui, serait vécue sur le mode de la castration, comme perte d'un objet partiel, tandis que la femme perdrait en quelques sortes le regard de l'autre, ce qui ferait dangereusement vaciller son narcissisme. Si je dis une connerie, corrigez-moi.

Ça, c'est pour le résumé de la conférence. Ok. On a passé plus de temps à se marrer qu'à écouter, je sais ça se voit. D'ailleurs, la dame blonde devant nous, nonobstant les strass de son T-Shirt RYKIEL, aura elle-même passé plus de temps à nous lancer des regards noirs qu'à écouter l'intervention. Et là je vous le demande : qui est le plus cancre ? Hein ?

Quoi qu'il en soit, je ne saurais conclure ce post sans vous relater l'incident le plus marquant de la soirée. Après que les discutants aient pris la parole pour brosser Madame Schaeffer dans le sens du poil souligner l'originalité de sa pensée, notre conférencière s'adressa au public afin de solliciter des interventions, notamment sur des exemples cliniques.

Un bras se lève parmi la foule. On donne la parole à un homme. Il demande s'il doit se présenter. Petit moment de flottement, hésitations, allez, il se lance : "Bonjour, je m'appelle Eric (frémissement parmi l'assemblée qui sent que QUELQUE CHOSE de bizarre se trame). Voilà, suite à une rupture amoureuse, j'ai vécu une dépression bla bla bla (suivent 3 minutes de racontage de vie intime), alors je me demandais, comment on peut s'en sortir ?"
Rires dans la salle. Bah bravo l'empathie, bienveillance mes fesses hein.

A partir de là, nous nous doutions qu'il serait difficile de relever le niveau des débats. Nous ne furent pas détrompées, tant s’enchaînèrent ensuite les questions alternant entre demandes d'éclaircissements de concepts de base (Go read your FREUD, bordel) et à-côté-de-la-plaquisme le plus total. Nous décidâmes de nous barrer. Afin de rire plus à notre aise. Pour d’être parfaitement juste, je me dois de mentionner le fait qu'à aucun moment l'une d'entre nous n'a envisagé d'intervenir afin de rendre les débats plus pertinents.

J'espère vous avoir puissamment édifié avec ce pertinent résumé de la non moins pertinente conférence de Madame Jacqueline Schaeffer. Ne donnons pas l'impression de vouloir minimiser son talent néanmoins. Madame Schaeffer on l'aime. Parce qu'elle expose de beaux concepts (Big up, "l'amant de jouissance"), parce qu'elle développe un travail intéressant sur les spécificités de genre en psychopathologie, parce qu'elle est moderne. Il faut la lire, donc.

A mes collègues qui étaient présentes : je vous invite à m'écrire quelques notes si sous le souhaitez afin de compléter mon pitoyable résumé de cette conférence, je m'en servirai pour éditer ce post. Et aux autres, n'hésitez pas à commenter pour corriger si j'ai dit des bêtises, ou simplement pour compléter, ou donner votre avis, ou raconter une blague. Bisous.

PS : Quelques textes de Jacqueline Schaeffer sur le site de la SPP






15 commentaires:

  1. chhhhuuuuuuuuuut! silence! j'entends rien!
    signée Mme Tshirt Rykiel

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  2. Je te suis sur le big up à "l'amant de jouissance"!

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  3. Puisque c'est demandé si gentiment, je me permets de donner mon avis sur la différence entre hommes et femmes suite à une rupture. D'abord, le complexe de castration n'est pas réservé aux hommes ; simplement, comme la fille n'a qu'un ersatz de pénis rabougri, elle n'a pas peur de le perdre, mais elle fait la gueule de n'avoir que ça.
    Mais de toute façon, la castration, c'est secondaire. A l'origine, il n'y a qu'une seule angoisse, celle de la perte, c'est-à-dire la peur de se retrouver en à nouveau en "désaide". Si le pénis est si important, si narcissiquement investi, c'est parce qu'il représente la possibilité de retourner dans le bide à maman (ou son substitut). Mais le pénis en tant que tel, on s'en fout. Du coup, la perte, c'est la même pour tout le monde, nantis ou châtrés. Elle est la menace d'un retour à l'"Hilflösigkeit"...
    Enfin, c'est ce que j'en pense. Inhibition symptôme et angoisse est très éclairant à ce sujet.
    NB : je suis en plein là-dedans en ce moment dans ma thèse, c'est pour ça que je suis au taquet...

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  4. Salut

    J'étais à cette conférence, je suis modestement en L3 de psycho et je connais mal la psychanalyse. J'aimerai avoir ton avis de professionnel sur le ressenti que j'ai eu (avec mes amis) de cette conf'.

    En effet, pendant la conf, mes amis et moi avons aussi bien rigolé car nous avons trouvé que ce que racontait cette dame était totalement ringard (peut être qu'on est à l'ouest sur le sujet) à la limite de l'article psy de "Marie Claire".
    Pour moi, son propos était en gros que les femmes ne peuvent être épanouies que si elles sont regardées par qqn (car elles sont des phallus géant)alors que les hommes si ils ont une belle voiture il sont contents (car ils ont un vrai phallus). Comme je ne connais pas grand chose à Freud mais que j'ai l'impression (fausse ?) que ses propos étaient globalement assez sexiste et maintenant totalement dépassés sur certains aspects : cette conf' a été pour moi une sorte de confirmation de cette impression. Le pire étant le long développement sur le fait que le sexe des femmes ne se voit pas, qu'il est à l'intérieur (ha bon ? il suffit de baisser la tête et d'un poil (sans jeu de mot) de curiosité, Mme) ce qui les rend super jalouse des hommes avec leur sexe qui se voit.

    Pour finir le pauvre Eric a été reçu assez méchamment par Madame Schaeffer qui aurait pu juste lui proposer de venir la voir à la fin pour ne pas l'humilier devant tout le monde.

    Pour info, la conf' de Samuel LEPASTIER sur la "Séméiologie psychanalytique des états dépressifs" était génialissime !

    Vala mes impressions de "jeunette"

    Julie

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  5. Je te réponds tard mais paraît-il que ça vaut mieux que jamais...
    Mes collègues et moi avons été un peu déçues également par cette conférence qui n'entrait que peu dans la complexité et la subtilité des choses, ce qui a pu vous donner l'impression que c'était digne d'un magazine féminin.
    Quant à l'homme qui est intervenu, je ne me souviens pas qu'il ait été mal reçu et il me semble que Mme SCHAEFFER lui a effectivement proposé d'en parler en privé. Bref.
    Pour ce qui est de ta question principale, à savoir, est-ce que les notions freudiennes sur la différence des sexes comme l'envie du pénis ou le complexe de castration ou la notion lacanienne du rapport au phallus... Evidemment, dans cette conférence elles étaient abordées de manière assez grossière. Néanmoins, ce sont des notions qui sont toujours utilisées et validées par les psychanalystes. A mon sens elles ne sont pas sexistes. Elles le paraissent ici parce qu'on dit : les hommes sont comme ça, les femmes sont comme ça, et réduire les individus à leur sexe a des effets de discrimination. Il n'empêche que chaque être humain a à se définir en rapport avec la différence des sexes.
    Je pense que l'étude des textes freudiens, un travail analytique, peuvent te faire toucher du doigt ces notions et comprendre leur implication.
    Mais libre à toi de ne pas adhérer à la théorie psychanalytique, qui reste fondée sur cette question de la sexualité.

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  6. Grande psychanalyste Schaeffer?!! Bah écouter plutôt ça :http://youtu.be/nQ2oamd6bs8

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  7. Cette vidéo est extraite d'un documentaire, Le Mur (http://www.autistessansfrontieres.com/lemur-site-officiel.php), sur la prise en charge de l'autisme visant à démolir la vision psychanalytique et encenser la méthode ABA. Une personne se présentant comme une mère me l'a adressé il y a peu par mail et je l'ai visionné (peut-être est-ce vous ?), je me permets donc de ne pas la revoir et je parle de mémoire.
    Moi ce que je vois dans cette vidéo, c'est une professionnelle qui s'adresse à quelqu'un comme s'ils étaient en confiance et qui semble avoir oublié le potentiel public. Or, ce qu'elle dit, évidemment peut heurter un néophyte mais n'est pas une preuve de son inhumanité. Je pense qu'elle sera d'accord pour admettre qu'il est mauvais pour tous les enfants de se faire tripoter ou violer pour des adultes. Elle dit simplement que l'inceste paternel est moins ravageur sur le plan psychique que l'autisme maternel, qui conduit, lui, à la psychose.

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  8. Bonjour Drew,
    Je ne suis absolument pas d'accord avec ce que vous dites ("Elle dit simplement que l'inceste paternel est moins ravageur sur le plan psychique que l'autisme maternel, qui conduit, lui, à la psychose"). Elle a dit cette phrase, et peu importe le contexte dans lequel cette phrase a été dite, elle est absolument fausse : "l'inceste paternel, ça ne fait pas tellement de dégât". elle n'a pas dit que l'inceste paternel ça faisait moins de dégât que l'inceste maternel, elle a dit "pas tellement de dégât". Or l'inceste paternel, un père qui viole sa fille, ça fait toujours des dégâts, point à la ligne. NR

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  9. Jacqueline schaeffer retranscription exacte.
    l'inceste paternel, cela ne fait pas tellement de dégats, ça rend des filles un peu debile. [...] Elle n'est pas issue du pere, elle ne sort pas du ventre du père, donc vous voyez c'est un inceste secondaire [...] les garçons qui penêtrent leurs mères sont psychotiques, alors que les filles non, on a beaucoup d'expérience de filles avec un inceste paternel qui se debrouille pas trop mal. Bon on peut pas dire que ça va très très bien, y'en a qui sont très très mal, y'en a qui sont moins mal, et y'en a qui se débrouille bon... autrement, ce que je disait, un petit peu débile, mais c'est très different.

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  10. Il me semble évident que l'inceste paternel FAIT des dégâts et que sans nul doute, toutes personnes présentes à cette conférence (j'ose l’espérer) sont d'accord là dessus.
    Ce que moi j'ai entendu et compris de cette phrase c'est que oui. Si l'on devait comparer l'inceste paternel de l'inceste maternel et "évaluer" son impact sur le psychisme ... Attendu qu'effectivement avec une visibilité certaine comme elle semble le montrer Mme Schaeffer nous dit que, les garçons ayant pénétrer leurs mères relèvent ensuite d'une prise en charge en rapport avec la psychose, les jeunes filles, elles, (malgré l'impact évident de l'acte incestueux paternel) ne seraient pas dans ce cas de figure la plupart du temps...
    Il faudrait alors débattre de ce qui est le plus fâcheux pour le psychisme... la psychose ou la névrose ou l'état limite?... Ce qu'aura a mon humble avis voulu dire Mme Schaeffer c'est que d'un point de vue de "santé psychique" (et pas du point de vue de la souffrance que ressentirait la personne victime) ... et considérant tout de même la psychose comme une perte de repères plus important pour le psychisme, alors oui... l'inceste paternel ferait moins de dégâts que l'inceste maternel.

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  11. Ce qui a des effets DESASTREUX ce sont surtout ces psychanalystes de m... (merci freud) qui font plus de dégâts qu'autre chose.
    Qu'on les enferme, qu'on les noie, peu importe, mais qu'ils disparaissent et qu'on leur interdise d'approcher nos enfants.

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  12. Merci Charly pour ce commentaire des plus facétieux.

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  13. Voilà, voilà. Merci Charly.

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  14. Bonjour,

    A la lecture de vos échanges, je me permets de donner mon point de vue sur ce débat qui, personnellement, ne me laisse pas indifférentE (je suis une personne de sexe féminin).

    Et, de ce fait, je me dis que l'on pourrait peut-etre rappellé que, dans la société où nous énonçons nos propos, il demeure une inégalité entre les hommes d'une part, et les femmes, d'autre part. J'ai lu depuis peu "La femme indépendante" qui est un extrait seulement, du Deuxieme sexe, de Simone de Beauvoir.

    Si Jacqueline Schaeffer peut dire aujourd'hui que l'inceste paternel semble faire moins de dégats que l'inceste maternel (avec toutes les nuances et précautions qu'il faut prendre en disant cela),
    c'est, peut-etre, en lien avec l'oppression présente, de "la caste supérieure" sur "la caste inférieure".

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  15. Bonjour,

    La lecture de vos échanges, me fait penser à La Condition Féminine de nos jours mise à mal.




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